Le règne de l’aveuglement volontaire

Je viens de lire un essai original : L’effondrement de la civilisation occidentale1. Ce texte expose comment l’Occident, incapable de se défaire de sa dépendance aux hydrocarbures, a mené la planète au désastre. Le point de vue des auteurs est fascinant : ils donnent la parole à un scientifique asiatique, au xxve siècle, qui écrit un essai historique sur le sujet. La perspective que ce choix impose est riche en enseignements de qualité.

Le principal constat de cet ouvrage repose sur l’aveuglement volontaire des dirigeants du xxie siècle qui, alors que les causes et les impacts des changements climatiques étaient largement connus et documentés, ont pour des motifs économico-idéologiques refusé d’agir pour sauver la civilisation. Zélotes du néolibéralisme et de ses avatars (suprématie du marché, puissance des élites, libertés individuelles opposées aux systèmes collectifs), fondamentalement opposés à l’interventionnisme de l’État (assimilé aux pires travers du communisme), les élites économiques et politiques ont tout mis en œuvre pour privilégier le complexe industriel des hydrocarbures et, sans mauvais jeu de mot, brûler le pétrole par les deux bouts. Toujours d’après cet historien du futur, cette attitude explique que les changements climatiques, hors de contrôle dès la milieu du xxie siècle, aient provoqué un véritable désastre.

Alors que fait rage le débat actuel au sujet des oléoducs que l’Alberta veut installer tous azimuts pour développer la production du pétrole issu des sables bitumineux, je ne peux m’empêcher de faire le parallèle. Nos élites politiques et économiques se contrefoutent du développement social ou de la redistribution de la richesse. Leur idéologie repose sur le développement économique à tout crin. Ils n’ont cure de la redistribution de la richesse, du moins tant que leurs actionnaires ne se sont pas emplis les poches. L’État redistribuera les graines qui ne finissent pas dans les abris fiscaux mis en place par le 1%.

Une des conclusions de l’historien du futur est simple : le désastre qu’annonce déjà les changements climatiques aurait pu être évité si l’économie tenait compte de l’ensemble des facteurs (les externalités). Si l’économie, en somme, se conjuguait sur un pied d’égalité avec les aspects sociaux et naturels. Malheureusement, et nos dirigeants en font la preuve tous les jours, nous n’en sommes pas là. En effet, si l’évolution de la civilisation reposait sur une approche équilibrée, les sables bitumineux resteraient là où ils sont, l’électrification des transports seraient plus avancée d’au moins une décennie, notre dépendance aux hydrocarbures serait moindre, et le Québec ne s’en porterait que mieux.

Dans L’effondrement de la civilisation occidentale, la période actuelle est qualifiée d’Âge de la pénombre, une sorte de Moyen-Âge 2.0. Dans l’état actuel des connaissances scientifiques et humaines, le triomphe de l’aveuglement volontaire démontre à quel point l’humanité rate son rendez-vous avec elle-même. Le débat actuel sur l’oléoduc Énergie Est est un exemple frappant de la justesse de cette analyse. L’effondrement de notre monde est en route…

  1. De Erik M. Conway et Naomi Oreskes, traduction de Françoise et Paul Chemla, Paris, 2015, Éditions les liens qui libèrent.
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Malgré la guerre et la maladie
Malgré la mort qui frappe tant d’innocents partout sur Terre
Malgré l’impunité des puissants
Malgré l’emprise des tyrans et des dictateurs
Malgré la faim et la soif
Malgré la pollution
Malgré la surproduction et la surconsommation

Malgré tout cela
Il faut s’aimer encore…

BONNE ANNÉE 2016 !