Pourquoi je suis socialiste

Le Robert définit ainsi le terme socialisme : Doctrine d’organisation sociale qui entend faire prévaloir l’intérêt, le bien général, sur les intérêts particuliers, au moyen d’une organisation concertée (opposé à libéralisme); organisation sociale qui tend aux mêmes buts, dans un souci de progrès social.

Vu de cette manière, je suis prêt à le hurler sur les toits : JE SUIS SOCIALISTE !

Évidemment, la réalité et le pragmatisme politique ne me simplifient pas la tâche. C’est la raison pour laquelle je précise que mon socialisme est surtout moral. Je suis un socialiste éthique, qui prétend que la qualité du comportement, fondé sur un juste équilibre entre la liberté de chacun et la responsabilité collective, axé sur la redistribution de la richesse, le bien général auquel réfère le Robert, devrait avoir préséance sur l’idéologie. En fait, si les individus dans le corps social, la collectivité, la nation embrassait une telle ligne de conduite morale, notre société serait en bien meilleure posture.

Premier obstacle : la propriété. Ça me semble évident, d’autant que je suis moi-même propriétaire d’un paquet de choses, à commencer par une maison avec piscine, une voiture, une batterie de cuisine, un sac de golf, des tas de livres, de disques et de dvd. Je me conforte en me convaincant, jour après jour, que ces possessions ne nuisent pas à l’autre, qu’il s’agisse de mon voisin, de mon compatriote ou d’un pauvre hère exploité sans vergogne par le grand capital dans un lointain pays.

En fait, je suis convaincu que ce premier obstacle n’est rien à côté du second : le libéralisme économique, qui fait de la propriété et du profit des vertus cardinales, au nom desquelles le bien commun ne vaut rien, ou si peu…

Le capitalisme, l’économie de marché, le libéralisme sont dirigés de main de maître par de grandes familles cachées derrière les corporations transnationales, ce 1% dénoncé par le mouvement Occupons. Au fil du temps, la combine se raffine depuis plus de cinq millénaires, ces happy few se sont arrogé le pouvoir, et les millions qui viennent avec. Ce sont des bandits absolus comparés à l’État, que l’on accuse pourtant de tous les maux. Le pire est qu’ils contrôlent l’État, qui protège leurs combines, au point de payer quand elles tournent mal. Le sauvetages des banques et autres depuis 2008 est le pire scandale en cette matière, avec son rejeton : la faillite des pays d’Europe…

J’admets volontiers que la conduite de l’État mène à des dérives, mises en lumière de manière spectaculaire en ce moment par la Commission Charbonneau. J’admets aussi que la bureaucratie est souvent trop lourde, que plusieurs fonctionnaires sont démotivés, peu intéressés, assis sur leur steak. Cela dit, j’ai aussi la conviction profonde que l’État demeure la meilleure façon de gérer la collectivité et de redistribuer la richesse.

Les tenants du libéralisme font des gorges chaudes sur l’incapacité et l’inefficacité des gouvernements. Ils veulent moins de règles, moins d’État, plus de jungle. Puisqu’ils possèdent la majorité des médias et que leurs laquais dirigent la plupart des gouvernements, leur message est devenue vérité pour plusieurs. Comme si l’État avait le monopole des comportements douteux.

Fraude et détournement de fonds; dégradation de l’environnement; exploitation des peuples du tiers-monde; crimes à cravate; rémunération démesurée; discrimination sexuelle, raciale et linguistique; la liste des comportements répréhensibles des grandes entreprises et de leurs dirigeants est sûrement aussi longue que celle des mauvais comportements issus de l’appareil d’État. Plus longue, je gagerais… Car les comportements des possédants ne sont pas souvent scrutés à la loupe de la justice.

Pour ma part, je préférerais évidemment vivre dans un monde juste, où l’éthique et l’équité, définies de manière objective, dirigeraient les comportements; un monde où la liberté de chacun serait conjuguée avec la liberté de tous; où la redistribution de la richesse serait effective. Comme se définit le socialisme. Disons qu’il s’agit encore d’une utopie.

En attendant, je privilégierai toujours la gestion par État plutôt que par des actionnaires. Et aux excès des transnationales et autres obsédés du profit, j’oppose avec vigueur le pouvoir social, qui n’a pas trouvé mieux, pour le moment, pour s’exercer, que le parlement, le gouvernement et les institutions étatiques. Je sais, cela veut dire que des Harper et autres idéologues du mensonge peuvent arriver jusqu’au pouvoir. Au moins, nous pouvons leur montrer la sortie aux prochaines élections. Et dépêchons-nous de le faire, avant que notre Stephen royal se prenne vraiment pour le roi et ne transforme en dictature le système politique canadien.

En bref, le socialisme est pour moi la voie la meilleure vers un monde équitable, une société durable et, je le crois aussi, plus riche. Car la richesse n’est pas que l’argent, alors que le capital, si.

Reste à dompter l’humanité…

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La Cartographie des nuages, un grand roman devenu un beau film

Il y a quelques années, nous avons découvert le romancier britannique David Mitchell. Depuis, nous avons dévoré la plupart de ses romans un après l’autre : Cloud Atlas, Ghostwritten, Number9dream, The Thousand Autumns of Jacob de Zoet. Les titres sont ici en anglais, langue dans laquelle je les ai lus, mais ces quatre livres ont été traduits en français.

À la mi-novembre, Etienne, Esther et moi avons vu le long métrage tiré de La Cartographie des nuages. Ce grand moment de cinéma m’a rappelé comment ce roman est extraordinaire. Et comment la littérature a cette capacité de nous amener ailleurs, non seulement pour le plaisir de la lecture mais aussi, surtout, pour nous permettre de mieux comprendre, de mieux appréhender notre monde, de mieux vivre…

Le roman Cloud Atlas (paru en 2004), traduit en français sous le titre La Cartographie des nuages, juxtapose six récits. Dans un premier temps, ces histoires se succèdent chronologiquement, du XIXe siècle jusqu’à un futur éloigné de plusieurs siècles de notre époque. Dans la seconde partie, miroir de la première, les six histoires se poursuivent en reculant dans le temps jusqu’au XIXe. La diversité de ces histoires est étonnante : journal des mésaventures d’un notaire contemporain de Darwin naviguant sur le Pacifique; lettres d’un jeune compositeur sur la route de son chef d’œuvre (le sextet Cloud Atlas); polar racontant comment une journaliste hippie américaine réussie à dénoncer les agissements criminels d’une multinationale de l’énergie; récit d’un éditeur britannique contemporain embourbé dans une succession d’événements rocambolesques; confession d’une clone devenue figure de proue d’un mouvement de libération futuriste; récit post apocalyptique d’un vieillard qui réussit à se soustraire aux ennemis de son peuple, avec l’aide d’une rescapée d’une société hyper développée.

L’ambitus de ces récits est incroyable. En fait, par les styles, par les niveaux de langage, nous pourrions croire qu’il s’agit de six livres différents. Mais Mitchell réussit à tous les lier, et il donne à cet univers éclaté une unité qui, à prime abord, semble impossible. Je ne décrirai pas ici comment, ce serait trop long. Un grand écrivain… Sûrement ma plus belle découverte des dernières années. J’espère vous donner le goût de lire David Mitchell.

Pour ce qui est du film, adapté par Lana et Andy Wachowski (La Matrice) avec Tom Tykwer (Cours, Lola, cours), il donne une nouvelle dimension au livre en faisant des six récits une courtepointe admirablement construite. En effet, le scénario ne suit pas l’ordre chronologique du roman. Il téléscope les six histoires, qui évoluent dans un désordre savamment orchestré. Conception de Kim Barret, il semble incontournable que les costumes et les maquillages soient en nomination pour un Oscar. La direction artistique est aussi impressionnante.

Esther, Etienne et moi avons été charmés par le traitement réservé au roman dans ce film.

Mais de quoi est-il question, finalement, dans le roman et dans le film ? Du sempiternel combat de David contre Goliath, de l’improbable victoire du faible sur le fort, de la persistance de la volonté et de l’idéal à travers les âges… Mais le tout est écrit avec grand art, forte sensibilité, témoignant d’une voix essentielle dans le paysage littéraire actuel.

La charge d’énergie que la littérature insuffle chez le lecteur, quand l’écriture se colletaille avec la langue et nous amène aux limites de la fiction, demeure une des plus belles expériences esthétiques et intellectuelles de ma vie.

À LIRE ET À VOIR !!!