LA CLAIRIÈRE, spectacle littéraire, cycle des singes bariolés

John Wildon découvre de curieux singes en l’an 2000. D’autres visitent à sa suite la clairière : un musicien africain, une fillette de Québec, appelée à devenir une célèbre philosophe, un messager qui livre un étrange colis à cette femme sans âge, qui fermera la marche. Associés au rituel que vit le couple de primates, ces personnages donnent naissance au Culte des singes bariolés. L’humanité est en déclin, peut-être, mais selon les adeptes du culte, c’est pour le mieux !

La clairière, un mix savant de lecture, de musique, de vidéo et de lumière.

Texte et voix

Le texte a beaucoup évolué depuis le laboratoire de décembre 2021. Il s’éloigne de plus en plus du roman, sans devenir du théâtre. Dans ce spectacle, que je qualifie de lecture augmentée, huit personnages sont avant tout des voix. Assis sur scène, lisant sur lutrin, la présence d’une lectrice et d’un lecteur s’efface pour laisser place aux figures qu’évoquent le texte. Ce dernier utilise la narration (journaux audio, extraits de livres) et de brefs dialogues. La structure temporelle repose sur un temps présent (an 3000) à partir duquel deux personnages évoquent, ou rappellent des épisodes survenus en 2000, 2282, 2500 et 2712. Le ton est celui de la fable.

Musique et environnement sonore

Voici comment Martien Bélanger et Miriane Rouillard, complices de ce projet, conçoivent leur apport (texte écrit après la résidence de février 2023) :

« Lors des deux premières résidences, nous avons entrepris d’élaborer une nouvelle méthode de traitement des sons tout en respectant un principe élémentaire : faire de la musique au service de l’histoire. Nous souhaitons bien sûr poursuivre nos explorations sonores et musicales. Quelques environnements sonores sont encore à inventer. Pour soutenir certains segments logeant entre le réalisme et le surréel de l’histoire, nous enrichissons notre création de sonorités et de textures inouïes, faites d’enregistrements de sons d’instruments et de non-instruments, que nous manipulons à l’aide d’une panoplie d’effets permettant d’étirer la durée, de monter ou descendre la tonalité, de boucler ou de stratifier plusieurs fois ces sons, etc. Notre palette d’outils est large. Nous n’ajouterons qu’un mot : électroacoustique. »

Espace scénique, lumière et accessoires

Caroline Ross, conceptrice lumière, et Éric Gagnon, concepteur vidéo, se sont joints au projet en janvier 2023. La résidence de février a révélé des idées très stimulantes. Afin de respecter un univers plus littéraire que théâtral, ils développent un cadre visuel sans faire appel à une scénographie proprement dite. L’utilisation de certains appareils d’éclairage et de mini projecteurs vidéos permet de créer des effets, d’évoquer l’histoire sans être littéral ni illustratif. Plutôt sur un mode poétique. L’entrée d’un personnage dans cette clairière étrange de la jungle tropicale, dès le début, sert à établir le langage visuel. Pour la Maison de la littérature, lumière et vidéo animeront la scène, bien sûr, mais aussi le plafond au dessus du public. Une sorte de lanterne magique en lien avec la musique et les personnages. La dernière période de création (20 au 31 mai) permettra de concrétiser ce concept. Pour les diffusions ultérieures (tournée à l’automne 2024), le plan lumière et vidéo sera adapté pour chacun des lieux.

Ma pratique

Ma pratique artistique se concentre sur l’écriture de fiction. Depuis les années 1980, j’ai publié 4 romans, 2 recueils de poésie et des essais de type documentaire. Je m’intéresse depuis longtemps à ce qu’on appelle maintenant les arts littéraires, qui ont comme caractéristique commune, dit simplement, de sortir la littérature du livre. Au début de ma carrière, j’ai fait beaucoup de radio, incluant de la création parlée (Radio-Canada et la radio communautaire CKRL). Depuis, j’ai œuvré notamment comme diffuseur, programmateur et directeur de production en arts de la scène. En collaboration avec des artistes qui m’inspirent, ce nouveau projet fusionne la plupart de ces pratiques.

J’ai entamé LES SINGES BARIOLÉS en 1995. Après 3 ans, je l’ai rangé des années au bénéfice d’un ambitieux programme de lectures. Je m’y suis remis en 2013. J’ai accès aujourd’hui à une riche matière artistique et littéraire, qui va au-delà de ce titre. En plus du spectacle LA CLAIRIÈRE, une suite de poèmes est née aussi du roman. Mon 5e texte romanesque, que je démarre, découle d’un des chapitres des SINGES BARIOLÉS. Il ne s’agit pas d’écrire une ou des suites, mais des œuvres distinctes toutes issues de la même matière de base.

Plus je travaille LA CLAIRIÈRE, plus le texte s’éloigne du roman. La dramaturgie s’affirme, par exemple lorsque la narration de situations mute en dialogue entre personnages. Le flux textuel peut s’atténuer au profit de la musique et de l’environnement sonore. La lumière pourra de même substituer ses effets à ceux du texte. À voir à Québec les 31 mai et 1er juin, 20 h, à la Maison de la littérature, dans les activités satellites du Carrefour international de théâtre.

On vous y attend…

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Questions de ma soeur sur LES SINGES BARIOLÉS

Ton roman pose un regard très dur sur le destin de l’humanité. Les ressources se faisant de plus en plus rares, sans compter les atteintes irrémédiables à l’environnement, la terre serait devenue quasi-inhabitable et le déclin de l’espèce humaine y serait inévitable. Mais le scénario varie selon les régions… La géographe en moi a donc été interpelée.

La géographie tient en effet une grande place dans ton roman. Car s’il ne fait pas de doute que notre monde s’est écroulé, « la vie s’accroche néanmoins » et les conditions dans lesquelles les groupes et les sociétés s’organisent diffèrent selon les régions. Certaines d’entre elles semblent mieux s’en tirer que d’autres. L’état du monde actuel prédispose, j’en conviens, à certaines des inégalités que tu présentes. Mais tu t’es permis néanmoins une certaine latitude pour le projeter dans l’avenir, même lointain.

Le romancier a une grande latitude. Je ne suis pas tenu de dire la vérité. La fiction doit être plausible dans son propre registre. Avec l’anticipation, en écrivant sur le futur, je me donne cette liberté. Je ne suis pas un scientifique. Je veux que mes écrits soient vraisemblables, ce qui ne veut pas dire qu’ils soient toujours véridiques.

Voici quelques éléments sur lesquels j’aimerais lancer une conversation avec toi :

  1. Pourquoi avoir choisi comme espace de vérité sur le destin de l’humanité, une petite île de l’archipel de Zanzibar dans l’océan Indien. Qu’est-ce qui la prédisposait à devenir le lieu de rencontre entre les singes bariolés et les humains, à travers John Wildon et son épouse Élizabeth, celui de la naissance de la légende qui se transmettra ensuite d’un bout à l’autre de la planète?

Le hasard… J’étais en Côte d’Ivoire, un soir de festival, en 1995 je crois. Une amie a lancé cette idée d’un homme jouant aux échecs avec un singe sur une île de Zanzibar. L’idée m’a hantée au retour de ce voyage. Et j’ai écrit les premiers jets de 3 chapitres. Je n’ai jamais pensé, par la suite, à déplacer le point d’origine de cette histoire.

2. L’Americ s’est effondrée, mais il en est ressorti de nouvelles formes d’organisation sociale, qui forcent l’admiration pour certaines. A Liberty par exemple, où, en 2282, lors du voyage de Manu Dongo, cinq grands mouvements dirigent ce qui subsiste des anciens quartiers, au niveau de la rue tout au moins. Pourquoi avoir épargné dans un premier temps les grandes villes de la côte est, pour les abandonner ensuite en quelque sorte à leur sort, alors qu’au moment du passage de Janis, quelque 200 ans après celui de Manu Dongo, la dégradation semble irréversible? Seules les petites communautés de la côte, qui vivent en autarcie ou presque, s’en tirent, parce qu’elles seraient mieux connectées sur le rythme des saisons, etc. Tu ne nourris donc aucun espoir pour les villes et métropoles, lieu historique premier de rencontre des populations et de création du savoir?

En 2282, Liberty est quand même pas mal déjà déglinguée. À propos des petites communautés sur la côte, je me dis qu’il reste un peu partout des groupes moins atteints. Il y a des poches de résistance, mais elles sont assez petites. Avec les guerres, le rehaussement du niveau des mers, les migrations, sans oublier la pollution… Si le système économique s’effondrait, genre tout le capitalisme, peu importe la raison, c’est probablement les grandes villes qui seraient les plus exposées. Si la population décline de manière significative, les villes deviendront trop grandes… Des quartiers seront abandonnés ? Par ailleurs, la progression du récit et de l’écriture, qui décide des voyages des personnages, influe aussi sur les destinations et sur l’état de ces destinations.

3. Le portrait que tu dresses du Kébek, « nation-État assez solide » est en revanche très positif : métissé tant au plan racial que linguistique, dirigé par une coalition où les femmes occupent une place privilégiée, etc. Le Kébek est le lieu dans lequel Manu Dongo choisit de s’établir plutôt que de retourner dans son Afric natale, ravagée par la sécheresse. Puis, la tragédie : l’hiver perpétuel… quoiqu’il se dissipera bientôt. C’est du Kébek que se fera le lien entre le passé et le présent, via Janis doté d’un pouvoir unique qui lui permettra d’habiter à son tour la légende. Pourquoi avoir fait du Kébek, voire de Kébek et non de Moréal – un peu chauvin, le frère- , un des lieux premiers de ton récit?

Je voulais qu’une portion du récit se déroule ici. Quand Manu Dongo quitte la Tanzanie, je savais qu’il arriverait à Québec après son passage à Liberty. Si j’ai fait de Québec une société plutôt bien, comme tu soulignes, j’imagine que c’est par amour et par espoir pour notre coin du monde. Quant à la ville de Québec, mes trois premiers romans s’y déroule. Il semble bien que le 5e s’y déroulera aussi.

4. En 2705, l’Americ Sur est fermé à toute migration. Le continent vit en isolation, à l’abri d’une frontière maritime qui se situe non loin de l’équateur au-delà de laquelle toute navigation venant d’un Americ Nor dévasté est arrêtée. Jusqu’à ce que Jonas et autres mutins réussissent à briser ce blocus et à rétablir la libre circulation des migrants. Plus un commentaire qu’une question : un beau moment d’humanité, dans ce roman dont la géographie est le plus souvent impitoyable. Et une douce revanche du Sud sur le Nord.

Merci !

5. C’est en Méditerranée que ce qui est devenu le culte des singes bariolés s’est le mieux implanté. Ses têtes dirigeantes sont à Granada. Le reste d’Europa est frappé par les radiations et seules de rares populations ont survécu, telles le peuple de Scandinave. Quoique touché lui aussi par la rareté des ressources, le pourtour de la Méditerranée, dont les populations parlent aujourd’hui (en 2712) une même langue, semble avoir trouvé un certain équilibre. La région agit comme grande gardienne du savoir de l’humanité – les carnets du scientifique John Wildon s’y trouvent. Comme si ce milieu qui a vu naître les grandes civilisations qui ont marqué l’histoire du monde, est celui qui serait le mieux outillé pour accepter son déclin. Intéressant…

Quand j’ai cherché un lieu, une destination pour Janis, au début de son grand voyage, l’Alhambra s’est vite imposé. Je voulais qu’elle fasse le tour du monde. En traversant par l’Atlantique, elle arrivait en Europe. Nous sommes allés à Grenade. Le site de l’Alhambra et ses environs est extraordinaire, à la confluence de deux empires (musulman et catholique). J’y voyais un lieu tout indiqué pour conserver le savoir.

Pour ce qui est de la Méditerranée, je veux bien qu’elle ait « vu naître » un certain nombre de grandes civilisations. Mais pas toutes… Il y a eu de grandes civilisations sur tous les continents. Sur l’influence et la durée, avec l’Égypte ancienne (où va aussi Janis), la Chine bat le record de longévité, du moins dans les civilisations toujours « actives ».

6. Le voyage semble difficile quoique possible au sein de diverses caravanes, quelle que soit l’époque que tu évoques. De fait, il est un protagoniste essentiel du récit que tu nous présentes, parce que c’est par le voyage que circulent Manu Dongo, Janis, et autres messagers de la légende. C’est aussi par le voyage que Janis devient la grande philosophe, auteure de La fin de l’éternité. Ne te permets-tu pas là une certaine entorse à ce que tu professes ailleurs dans le roman, sachant aujourd’hui la forte empreinte écologique des déplacements longue distance? Ou dit autrement, pourquoi cette clémence envers les voyages, le « tourisme », le pèlerinage

Très vite, dans l’écriture de ce roman, j’ai vu le potentiel du voyage. C’est en faisant voyager les personnages que l’on découvre les territoires, l’état du monde à différents endroits. Si je voulais que mon récit couvre un millénaire, il devenait un voyage à la fois dans le temps et dans l’espace. Dans l’histoire et la géographie…

Pas sûr qu’il s’agisse de « clémence envers les voyages », mais plutôt d’une reconnaissance que le voyage va continuer à exister, même s’il continue à dégrader la planète. Les conditions de voyage à l’époque de Janis, dans ma tête, ne sont pas du tout luxueuses. Les caravanes sont de vieux camions, des chars tirés par des bêtes. Souvent, les gens marchent. Il y aura toujours des voyageurs. Je ne suis pas membre d’une secte qui professerait qu’il faut abolir le voyage.

7. Pour terminer, revenons dans la jungle de Zanzibar en l’an 3000, là où Fauvert rencontre Élizabeth, qui a survécu au passage du temps et dont il deviendra en quelque sorte le messager. Il se sent bien dans ce lieu quasi-magique, qui semble protéger ses habitants des vicissitudes du monde. Et se dirige sereinement vers la clairière où mille ans plus tôt, John Wildon avait fait la rencontre des singes bariolés. Il se livrera à ces derniers, attestant ainsi de l’acceptation de l’humanité de ne plus être l’espèce dominante. Élizabeth l’y rejoindra, s’endormant avec lui sur cette île, qui n’est plus que nature. Une fin à la fois tragique et heureuse, dans un lieu qui relève davantage du mythe que de la réalité décrite dans ton récit, alors qu’ailleurs tout s’est effondré. Peux-tu nous en dire un peu plus sur cette fin, qui se vit non seulement hors du temps mais aussi hors de l’espace?

Les premiers chapitres que j’ai écrits, vers 1995, sont maintenant les premier, second et dernier. Le retour sur l’île, pour clore la fable, est là depuis le début. Cette idée est restée, même si le texte a bien sûr évolué considérablement. Je voulais une fin calme. Si le monde que j’annonce a tous les airs d’un désastre, il y a sûrement des avantages à non pas se résigner, mais à accepter que le risque est élevé d’une catastrophe mondiale. Il y a de bonnes chances pour que nous soyons déjà allés trop loin. Mais je n’ai pas écrit une dystopie, qui finirait mal, plutôt un roman d’anticipation. J’aime bien que ça se termine dans la jungle, où tout cela a commencé, caché dans une clairière de légende.

Il devient invivable de vivre constamment indigné par les travers de la civilisation humaine. Reconnaissons les beaux moments. Soyons heureux, tant que c’est possible, tout en dénonçant les incohérences et les injustices de comportements.

Merci ma sœur pour la pertinence de tes questions.

Anne Gilbert, 1e novembre 2021

Bernard Gilbert, 30 novembre 2021

POURQUOI FAUDRAIT-IL RÉINVENTER LES ARTS DE LA SCÈNE ?


La crise sanitaire, frein radical aux rassemblements, frappe brutalement les salles de spectacles, les centres culturels et les festivals. Six mois après son ouverture, fort d’un succès indéniable, Le Diamant doit du jour au lendemain retenir son souffle et réfléchir, avec les autres, à la reprise.

Le monde du spectacle vivant est touché en son cœur même, puisque la raison d’être du théâtre, du cirque, de l’opéra ou de la lutte repose sur le rassemblement. Pendant la pandémie, plusieurs initiatives de transmission à distance apparaissent. Le numérique est évidemment très utile, au même titre que le téléphone ou les balcons. Toutefois, comme certains semblent en rêver, il est dangereux de proposer que la diffusion web remplace la fréquentation des théâtres ou des salles de concert. Le numérique fait partie de nos vies, bien sûr, et les arts doivent y trouver une meilleure place. Mais je n’ose pas croire que la pandémie sonnera le glas des rassemblements, ni celui des salles de spectacles. Pendant le confinement, oui. Un « radeau transitoire », comme le dit une lettre ouverte parue ces jours-ci. Les mois requis pour passer à travers.

« Se réinventer », « faire table rase », « revoir le modèle »… Je veux bien, mais avant de militer pour une révolution, ne devrions-nous pas réfléchir d’abord à comment traverser la crise ? Le secteur culturel, si jeune sur nos terres, est en perpétuelle invention. Je vois mal pourquoi il faudrait de plus se réinventer. C’est le propre de l’art et de la plupart des organisations culturelles de s’inventer tous les jours. Imaginez seulement que la prochaine pandémie soit provoquée par un virus informatique, et que tout l’internet soit bousillé pour six mois. Pendant que les spectacles en salle remplaceraient à leur tour le VSD, il serait absurde de réclamer que toutes et tous se mettent à l’art vivant.

Le numérique offre des avantages, mais il tend aussi plusieurs pièges déjà bien visibles avant la pandémie. Puisque la consommation numérique a lieu surtout à la maison, nous voulons vraiment nous isoler davantage ? Le milieu culturel choisirait de pousser un cran plus loin la désincarnation de la société, de nos réseaux physiques, de notre sens du collectif ? Le règne de l’individualisme y gagnerait peut-être, ce qui n’est pas une bonne nouvelle, et le phénomène de la dépendance aux écrans exploserait. De plus, pourquoi céder davantage de nos vies aux GAFAM ? En guise de réponse, je rappellerai simplement ici que le Québec et le Canada, il n’y a pas si longtemps, militaient ouvertement pour préserver notre exception culturelle. Vous croyez sérieusement que les GAFAM veulent préserver notre culture, notre identité ? Autre aspect à considérer, le modèle actuel de diffusion numérique n’aide en rien les artistes à mieux gagner leur vie. Cela semble plutôt être le contraire.

Depuis cinq ans, j’ai dirigé l’ouverture de deux nouveaux espaces culturels de Québec : la Maison de la littérature et Le Diamant. Ces lieux existent parce que chaque mois, des milliers de gens les visitent, y assistent à des spectacles, à des lectures. S’il faut en croire les chantres de la « réingénierie numérique », ces deux projets, et les investissements importants qu’ils ont requis de l’État et de donateurs privés, n’auraient pas été pertinents ? Si les arts vivants doivent se réinventer hors de la scène, ces lieux n’auraient pas dû ouvrir ? Pas question que j’adhère à de tels objectifs, et je n’ai pas le sentiment d’être un has been en affirmant cela.

Aucun écran, même dans un cinéma, ne réussit à remplacer le spectacle vivant. Les comédiennes et comédiens qui jouent une tragédie, un drame ou une comédie nous parlent de la vie, nous emmènent dans leur univers, nous distraient des problèmes du quotidien. Même chose pour les interprètes de la danse ou du cirque qui nous éblouissent par l’expression de leur corps. Le cinéma le fait aussi, vous me direz. Soit… Ce qui distingue les arts vivants, c’est l’échange en temps réel. Le spectateur, qu’il soit solitaire ou en communion avec ses voisins, entre dans une relation symbiotique avec l’artiste. Une respiration lui provient de l’aire de jeu. Il/elle la reçoit, la décode à sa manière, selon son point de vue. En retour, il projette sa réaction vers la scène, et vers le public qui l’entoure. Cette énergie, cette pulsation sont irremplaçables. Pendant la pandémie, je visionne aussi en ligne des opéras et des spectacles de théâtre. Ce faisant, j’ai plus l’impression de m’informer que de vivre ces spectacles. Ce n’est tellement pas la même chose.

Au Québec comme ailleurs, voir un spectacle en salle ou lors d’un festival a d’une certaine manière remplacé la messe hebdomadaire. Les arts de la scène rassemblent le public et les artistes à peu près comme le curé le faisait avec les fidèles. Selon moi, c’est pour le mieux. Car les arts questionnent au lieu d’imposer. Parce que les artistes et le public dialoguent, au contraire des curés qui imposaient les valeurs du Vatican. Parce que les spectacles font souvent avancer la société en provoquant le débat, la discussion, l’empathie, alors que les églises avaient fondamentalement comme objectif de perpétuer le statu quo, notamment l’hégémonie des hommes sur les femmes et les enfants.

Les arts de la scène, comme l’ensemble des arts et de la culture, devraient être vus au Québec et au Canada comme un service public. La connaissance, les sentiments, les émotions tirés des arts valent autant que l’éducation, la santé ou les infrastructures routières. C’est de cela qu’il faut parler, dont il faut poursuivre l’invention. L’art comme service public…

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, en Europe, les théâtres ont été parmi les premiers édifices reconstruits. L’exemple du Teatro alla Scala, à Milan, vient spontanément en mémoire. Un phare pour la ville, pour le pays, vecteur de l’identité et de la société, que la population a voulu retrouver au plus vite. Cela ne va pas à l’encontre de l’ouverture à l’autre ni d’une mondialisation qui serait utile ou poétique. Le local ne va pas sans l’universel. Le spectacle auquel j’assiste m’ouvre à l’autre, m’ouvre le monde, me tire vers lui. Je vais ensuite sur internet me renseigner sur l’autrice ou l’auteur, sur le sujet, sur la compagnie qui produit ce spectacle.

Le moment venu, Le Diamant et les autres salles de spectacles seront là pour accueillir la population. Car je n’ai pas peur de le dire, quitte à passer pour un naïf, nous nous retrouverons ensemble, à moins de deux mètres, dans un théâtre. Ce ne sont pas six ou dix mois d’inactivité qui vont rendre obsolète un rituel si puissant depuis des millénaires. Les arts vivants reviendront à la charge, portant le flambeau unique par lequel ils éclairent la vie collective. Nous relancerons le dialogue si riche entre les artistes et les citoyens pour faire avancer notre monde. Dans quelle direction ? La meilleure possible… Nous le déciderons ensemble, car les arts vivants, entre autres, sont là pour ça.

En attendant de vous retrouver, bon courage !


Bernard Gilbert
Directeur général et de la programmation
Le Diamant

Le règne de l’aveuglement volontaire

Je viens de lire un essai original : L’effondrement de la civilisation occidentale1. Ce texte expose comment l’Occident, incapable de se défaire de sa dépendance aux hydrocarbures, a mené la planète au désastre. Le point de vue des auteurs est fascinant : ils donnent la parole à un scientifique asiatique, au xxve siècle, qui écrit un essai historique sur le sujet. La perspective que ce choix impose est riche en enseignements de qualité.

Le principal constat de cet ouvrage repose sur l’aveuglement volontaire des dirigeants du xxie siècle qui, alors que les causes et les impacts des changements climatiques étaient largement connus et documentés, ont pour des motifs économico-idéologiques refusé d’agir pour sauver la civilisation. Zélotes du néolibéralisme et de ses avatars (suprématie du marché, puissance des élites, libertés individuelles opposées aux systèmes collectifs), fondamentalement opposés à l’interventionnisme de l’État (assimilé aux pires travers du communisme), les élites économiques et politiques ont tout mis en œuvre pour privilégier le complexe industriel des hydrocarbures et, sans mauvais jeu de mot, brûler le pétrole par les deux bouts. Toujours d’après cet historien du futur, cette attitude explique que les changements climatiques, hors de contrôle dès la milieu du xxie siècle, aient provoqué un véritable désastre.

Alors que fait rage le débat actuel au sujet des oléoducs que l’Alberta veut installer tous azimuts pour développer la production du pétrole issu des sables bitumineux, je ne peux m’empêcher de faire le parallèle. Nos élites politiques et économiques se contrefoutent du développement social ou de la redistribution de la richesse. Leur idéologie repose sur le développement économique à tout crin. Ils n’ont cure de la redistribution de la richesse, du moins tant que leurs actionnaires ne se sont pas emplis les poches. L’État redistribuera les graines qui ne finissent pas dans les abris fiscaux mis en place par le 1%.

Une des conclusions de l’historien du futur est simple : le désastre qu’annonce déjà les changements climatiques aurait pu être évité si l’économie tenait compte de l’ensemble des facteurs (les externalités). Si l’économie, en somme, se conjuguait sur un pied d’égalité avec les aspects sociaux et naturels. Malheureusement, et nos dirigeants en font la preuve tous les jours, nous n’en sommes pas là. En effet, si l’évolution de la civilisation reposait sur une approche équilibrée, les sables bitumineux resteraient là où ils sont, l’électrification des transports seraient plus avancée d’au moins une décennie, notre dépendance aux hydrocarbures serait moindre, et le Québec ne s’en porterait que mieux.

Dans L’effondrement de la civilisation occidentale, la période actuelle est qualifiée d’Âge de la pénombre, une sorte de Moyen-Âge 2.0. Dans l’état actuel des connaissances scientifiques et humaines, le triomphe de l’aveuglement volontaire démontre à quel point l’humanité rate son rendez-vous avec elle-même. Le débat actuel sur l’oléoduc Énergie Est est un exemple frappant de la justesse de cette analyse. L’effondrement de notre monde est en route…

  1. De Erik M. Conway et Naomi Oreskes, traduction de Françoise et Paul Chemla, Paris, 2015, Éditions les liens qui libèrent.

Bonne Année 2016 !

Malgré la guerre et la maladie
Malgré la mort qui frappe tant d’innocents partout sur Terre
Malgré l’impunité des puissants
Malgré l’emprise des tyrans et des dictateurs
Malgré la faim et la soif
Malgré la pollution
Malgré la surproduction et la surconsommation

Malgré tout cela
Il faut s’aimer encore…

BONNE ANNÉE 2016 !

Insulaire contre bitume

Texte paru dans Action Nationale, mars 2015, vol. CV, nos 2-3, dans un dossier sur le pétrole au Canada.

Par une belle journée d’hiver, avec quelques amis, nous nous rendons à la pointe ouest de l’île d’Orléans. À l’horizon, derrière la baie de Beauport, le cap Diamant et Québec émergent dans la vapeur froide. Chaussés de raquettes, nous nous engageons sur les battures. Les chiens trottent autour. Le paysage est d’une incroyable blancheur. Saturé par les glaces du fleuve et la neige des derniers jours, le fleuve offre une vision fabuleuse. Après une heure de marche, sous le soleil, nous prenons une pause à bonne distance de la rive. En dégustant une clémentine, nous évoquons le scénario d’un déversement de pétrole qui résulterait d’une fuite à l’oléoduc Énergie Est, en amont de Québec, ou à la suite de l’échouage d’un super pétrolier chargé de bitume.

Nous imaginons le pétrole qui noircit graduellement les glaces. La neige qui devient grise, puis noire… Au-delà de la blessure profonde au paysage, les effets directs sur les rives seraient désastreux.

Après ce bel après-midi, je poursuis ma réflexion. Inévitablement, je pense aux oies blanches et autres bernaches, des victimes de choix. Au printemps, lorsqu’elles arrivent du sud par dizaines de milliers, elles font halte sur les rives de l’île, sur le chenal nord du fleuve. Affamées, elles se gavent des réserves de scirpe, leur principale nourriture. Un déversement souillerait ce garde-manger pour des années. Je n’ose penser à l’effet de ce désastre sur ces oiseaux migrateurs.

Par ailleurs, la rive nord de l’île d’Orléans, tout du long, est un marais côtier. Avec le jeu des courants, puis l’allée-retour incessant des marées, la nappe engluerait profondément cet écosystème fragile, causant des dommages irréparables à tant d’autres espèces végétales et animales. Sans compter les dégâts sur la rive sud…

L’île d’Orléans blessée, souillée… Le constat fait mal.

Preuve scientifique et engagement citoyen

Parmi d’autres raisons, cette vision morbide me pousse à prendre la parole et à m’impliquer contre le transport du pétrole des sables bitumineux sur le territoire du Québec, que ce soit par oléoduc, par train ou par bateau.

De nombreux scientifiques nous en avertissent : les sables bitumineux doivent rester dans le sol. Une nécessité si nous voulons contrôler les changements climatiques provoqués par la croissance des gaz à effet de serre. La poursuite de leur exploitation enclanchera, parmi d’autres sources, d’ici moins d’un siècle, un dérèglement dangeureux des conditions de vie sur Terre.

Il faut agir.

À l’île et dans la région, nous l’avons appris notamment avec le projet Rabaska. Les gouvernements, de même que les corporations transnationales qui font leur profit des hydrocarbures, ne modifient leur comportement que si les populations concernées montent au front. Le mouvement d’opposition populaire n’a peut-être pas empêché Rabaska, mais nous avons réussi, en « mettant de l’eau dans le gaz », les conditions du marché aidant, à réduire presqu’à néant la probabilité que le port méthanier soit jamais construit à Lévis, face à l’île d’Orléans.

Nous devons reprendre la lutte, cette fois contre le transport du pétrole des sables bitumineux, conviction que je partage avec des milliers d’autres Québécoises et Québecois, notamment des concitoyens de l’île d’Orléans, avec qui nous venons de mettre sur pied une cellule Stop oléoduc.

L’ajout de ces millions de barils aux millions d’autres qui circulent déjà au Québec augmentera considérablement le risque de déversement. Car l’oléoduc Énergie Est ne remplacera pas le transport du pétrole, d’où qu’il provienne, par train ou par bateau. Au contraire, selon l’industrie même, tous ces moyens de transport sont cumulatifs. Soif de profit oblige…

L’avenir des prochaines générations n’est pas dans cette voie.

L’île d’Orléans, patrimoine de tous et chacun

Au Québec et au-delà, l’île d’Orléans représente un symbole fort, même essentiel. Ouindigo algonquin, puis île de Bacchus, elle devient tôt au XVIIe siècle terre d’élection des nouveaux arrivants Français. Tant de familles fondatrices s’y sont établies. Au fil du temps, l’île est devenue un havre de nature, d’agriculture et d’humanité, qualité renforcée à notre époque par Félix Leclerc, dont les textes ont donné à l’île un statut mythique.

Sise à la naissance de l’estuaire, à la jonction de la vallée du Saint-Laurent, du bouclier canadien et des Appalaches, véritable habitant du fleuve, baignée par les marées, lieu de confluence et de culture, l’île incarne un endroit remarquable qui doit être préservé.

Pour nous, résidants de l’île d’Orléans, il est incompréhensible que le profit financier à court terme prime sur la beauté de l’île, sur sa valeur symbolique indéniable, sur la richesse que représentent ses terres agricoles, sur l’importance du terroir qui y fleurit, sur la qualité intrinsèque de son paysage, de son patrimoine historique et immatériel… L’île revêt un caractère unique, qui inscrit les valeurs de son terroir, de son histoire, au coeur de notre modernité.

À l’image du désastre que provoquerait une marée noire étouffant ses rives, j’en frissonne d’inquiétude.

 » Faire ça à elle, l’île d’Orléans ! », chante Félix dans Le tour de l’île.

À l’avant-garde ou à la traîne ?

Alors que notre société possède tous les atouts pour être dans le peloton de tête de la transition énergétique, en misant par exemple sur l’électrification des transports, le pouvoir se complait dans le peloton de queue. Ce comportement est d’une profonde tristesse.

Il est impensable que le pétrole prime sur la qualité de vie. D’autant que les arguments économiques, tant vantés, se traduisent au terme de la construction de l’oléoduc par une petite poignée d’emplois.

Faudra-t-il attendre que l’humanité ait tout saccagé avant d’en venir à la seule conclusion qui s’impose ? J’espère que non. Attaquons-nous de toute urgence à la transition vers des énergies propres, avant que notre territoire, l’île d’Orléans en tête, ne soit irrémédiablement souillé.

« Coule pas chez nous », dit la campagne des opposants au transport du pétrole des sables bitumineux. Le travail que nous effectuons au Québec est complémentaire à celui des opposants dans l’Ouest du Canada et, au sud, dans les états américains. Énergie est, Northern Gateway, Keystone XL; même combat… Tous ensemble, nous clamons : « Coule pas pantoute ».

Bernard Gilbert

à titre de membre fondateur de Stop oléoduc Île d’Orléans

6 avril 2015

Une aventure scénique. Extrait 4

Le Ring de Robert Lepage au Metropolitan Opera

 Du 1er au 13 mars 2010, Scène éthique, Varennes

Début du travail avec tous les concepteurs et Robert, qui sera présent les matins et après-midi. Les soirées sont partagées entre le décor, la programmation de l’automation et la vidéo. En raison du retard, le décor n’est pas prêt pour les mouvements complexes. Cinq ou six chantiers avancent en même temps, souvent un par-dessus l’autre : pendant les ajustements au décor et au système hydraulique, la vidéo, la lumière, les accessoires suivent le rythme autant que faire se peut. Nous devons limiter la présence des interprètes sur le décor aux configurations fixes.

Chaque scène ou événement est exploré une première fois sans Robert, pour débroussailler la technique. Nous reprenons ensuite ladite scène avec lui. Il faut chaque fois de quinze minutes à une demi-heure de discussion. L’image que nous avons préparée est-elle conforme à celle à laquelle il s’attend ? Comment allons-nous la construire, à partir de la configuration précédente ? Comment cohabitent l’automation et la manipulation manuelle ? Combien de contrepoids faut-il, et à quelle extrémité des pales ? Que font les interprètes et comment assurerons nous leur sécurité ? Compte tenu du nombre de services impliqués, c’est laborieux de s’entendre sur la chaîne précise des événements pour une seule configuration. Nous travaillons donc sur deux, maximum trois images/événements/scènes par jour. Les concepteurs de la vidéo et de la lumière montrent aussi l’état de leur travail.

Nous vivons nos premiers jours de création avec le décor complet. Après tant de mois sur maquette et sur modélisation numérique… C’est fascinant de voir l’équipe travailler. D’abord apprivoiser la bête, en comprendre les paramètres, les contraintes. L’ordre des scènes est planifié… puis révisé tous les jours. Des réunions de production ont lieu à tous les deux jours, sans compter les rencontres entre concepteurs, dès que vingt ou trente minutes se libèrent, avec Robert ou non, sur les costumes, la vidéo, les accessoires. Tobie avance le plus possible sur la programmation du décor. Carl, Michel G. et Éric jouent avec le décor, préparent des mouvements, planifient le temps sur le plateau. Boris, Holger, Catherine et Maude ajustent le système vidéo : images, interactivité, système de calibration, ce dernier point avec Philippe Jean. Etienne et David travaillent la lumière.

Le samedi 13, au terme de ces deux semaines, ce qu’il nous reste à faire d’ici septembre nous semble absolument insurmontable. Le public qui assistera aux représentations n’aura pas idée de l’envergure du chantier. Magie du théâtre…

Extrait du chapitre 9, pages 163-164.

Le Ring de Robert Lepage. Une aventure scénique au Metropolitan Opera, éditions L’Instant même. Essai documentaire incluant 150 dessins, esquisses, photos de répétition et de la production.

En librairie depuis le 26 novembre 2013.

Une aventure scénique – extrait 3

Le Ring d’Ex Machina au Metropolitan Opera

15 mars 2009

Journée de création typique avec Robert.

De 9 h 30 à 10 h : visionnement des story-boards modélisés de L’Or du Rhin et de La Walkyrie.

De 10 h à 11 h 30 : révision de L’Or du Rhin sur la maquette 1/5 pour voir où nous en sommes.

De 11 h 45 à 13 h et de 14 h à 18 h : explorations sur le prototype avec interprètes, vidéo, lumière.

  • Avant même que les interprètes soient invités à monter sur les pales, nous échangeons sur le fini de surface et sur sa couleur. Un long débat…
  • Tests de glissade des interprètes sur partie avant jusqu’à disparaître sous le tablier ; apparition et disparition des interprètes à l’avantscène; substitution chanteurs-acrobates.
  • Filles du Rhin : pour cette scène, qui ouvre le Ring, trois chanteuses suspendues sous les pales apparaîtront lorsque l’axe se soulèvera et que les pales pivoteront. Elles nagent dans le Rhin. Nous testons la manière de harnacher les interprètes, à des fins artistiques et de sécurité. Anne est attachée et nous essayons le mouvement. Holger et Boris ajoutent des effets aquatiques : motif d’eau plus bulles.
  • Éric joue Alberich, qui apparaît sous le tablier, grimpe jusqu’à l’angle du côté toit des pales pour tenter d’attraper les Filles du Rhin. Nous explorons aussi avec Francis, plus acrobatique. Résultat : il faudra dessiner un accessoire, placé au bas de la pente, pour amortir la descente d’Alberich. Commentaire : il n’est pas évident que tous les chanteurs accepteront de réaliser les culbutes et descentes auxquelles pense Robert.
  • Position sommet d’une montagne (scène 2) : pour simuler que Freia, Donner et Froh volent vers le sommet de la montagne où sont Wotan et Fricka, les interprètes glissent sur la pente des pales, du haut à lointain vers le bas à l’avant, là où les pales disparaissent sous le tablier. Francis, Geneviève et Éric arrivent trop vite en bas. Des matelas de sécurité seront nécessaires sur l’aire d’arrivée.

Extrait du chapitre 9, pages 149-150.

Le Ring de Robert Lepage. Une aventure scénique au Metropolitan Opera, éditions L’Instant même. Essai documentaire incluant 150 dessins, esquisses, photos de répétition et de la production.

En librairie le 26 novembre 2013.

Une aventure scénique. Le Ring d’Ex Machina au Metropolitan Opera

Extrait 2

 JUIN 2005, LA CASERNE, QUÉBEC

 Neilson, Carl, Michel G. et moi sommes réunis avec Robert et Michel B. Nous lançons le travail sur The Rake’s Progress (première à Bruxelles au printemps 2007). En fin d’après-midi, Robert et Michel nous annoncent qu’Ex Machina met sur pied un groupe « Opéra » – pas un service ni un département, mais un groupe – qui sera composé de nous, en fait. Michel nous apprend ce dont Peter Gelb et Robert ont parlé, à Londres. La Damnation de Faust sera repris au Met à l’automne 2008, puis nous allons produire le nouveau Ring du Met, sur scène pendant les saisons 2010-2011 et 2011-2012.

Le Ring au Met !

À cette époque, un de mes rêves artistiques était d’aller un jour, avant ma mort, à Bayreuth voir le Ring. Manifestement, ce jour-là, la réalité a dépassé le rêve.

Extrait du chapitre 9, page 129. Le Ring de Robert Lepage. Une aventure scénique au Metropolitan Opera. Livre à paraître fin novembre 2013, chez L’instant même (incluant 150 dessins, esquisses, photos de répétition et de la production).

Une aventure scénique. Le Ring d’Ex Machina au Metropolitan Opera

extrait 1

Mardi 30 août 2011. Je suis au Metropolitan Opera, assis dans l’auditorium. Dans les rangées devant moi, au moins vingt-cinq personnes s’affairent à préparer la répétition, qui doit débuter dans les prochaines minutes. Autour de la table de mise en scène, derrière le pupitre de la régie, derrière les consoles et ordinateurs de la lumière ou de la vidéo, les concepteurs, assistants et techniciens avec qui je travaille depuis le début de cet ambitieux projet, Robert Lepage en tête, entament deux semaines de travail technique sur Siegfried et sur Le Crépuscule des dieux. La fébrilité est palpable, notamment parce que nous avons perdu une journée à cause de l’ouragan Irene. Il est important pour moi d’entamer cet essai, comment dire, en direct du Met. En effet une grande partie des milliers d’heures consacrées à la production du Ring s’est passée dans cette salle, pour laquelle le spectacle a été conçu. Quand j’y suis entré ce matin, comme à chaque séjour, j’ai éprouvé une excitation réelle, une sensation épidermique à l’idée de travailler ici, dans ce véritable temple de l’art lyrique.

Introduction, page 7.

Le Ring de Robert Lepage. Une aventure scénique au Metropolitan Opera, essai documentaire de 288 pages, avec 154 illustrations.

 À paraître fin novembre 2013, chez L’instant même.