Je reviens bientôt.
J’avais annoncé la fin de l’été; ce sera quelques mois plus tard.
À tout de suite !
Bernard
Je reviens bientôt.
J’avais annoncé la fin de l’été; ce sera quelques mois plus tard.
À tout de suite !
Bernard
Publié par Bernard Gilbert le 6 novembre 2013
https://bernardgilbert.com/2013/11/06/merci-de-votre-patience/
Mes lectrices et lecteurs ont constaté que je n’ai rien ajouté sur mon blogue depuis déjà un bon moment. Ce ne sont pas les idées qui manquent, notamment dans ma série Rencontres imaginaires. Je suis trop occupé à d’autres choses, par exemple mon prochain livre, qui doit paraître à l’automne.
Cela dit, je prépare mon retour, d’ici la fin de l’été.
Merci d’attendre patiemment !
Bernard
Publié par Bernard Gilbert le 8 juin 2013
https://bernardgilbert.com/2013/06/08/pause/
Ma mission d’observation démarrait fort bien. En débarquant dans ce bar, avec un pape démissionnaire, une chef autochtone et un premier ministre, j’avais visé drôlement juste. Une entrée en matière fascinante… Néanmoins, j’avais le sentiment d’être loin du peuple et de la matière brute. Je me suis donc dirigé vers le bar. Il faudrait bien, tôt ou tard, que j’adresse la parole à quelqu’un.
En m’asseyant sur un des tabourets adjacent au zinc, j’ai constaté que j’avais oublié ma bière à la table. Qu’à cela ne tienne, elle est apparue devant moi, matérialisée comme dans un film de science-fiction. J’ai regardé vers ma table, pour constater qu’elle n’y était plus. J’ai sourcillé, avant de porter mon regard vers le barman. Le phénomène était surprenant, mais mon demi était vide. Un sourire franc m’a accueilli.
– Où suis-je arrivé, exactement ? J’ai demandé.
– Vous rappelez-vous avoir sciemment choisi où vous seriez rematérialisé ?
Je croyais pouvoir répondre oui, mais après une brève réflexion, pendant laquelle le type me sert une troisième pinte de bière, je devais admettre, en réponse à sa question, ne pas m’en souvenir du tout.
– Nous sommes un petit groupe délégué sur terre pour faciliter les retours.
Devant mon air surpris, il poursuit.
– Vous seriez étonné de savoir combien de personnes font comme vous. Depuis des siècles, d’ailleurs… Un paquet de gens tolère mal l’éternité. Tous ne reviennent pas sur terre, mais plusieurs le font chaque année. Nous sommes là pour faciliter l’acclimatation…
Mon silence lui sembla suffisamment éloquent pour qu’il y réponde.
– Ne vous en faites pas… D’ici quelques jours, vous aurez retrouvé vos repères.
Sur le coup, je me suis senti coupable, démasqué, comme un ado pris la main dans le portefeuille de son père. Mais j’ai vite compris que ce serait plus payant de lui demander conseil.
– Vous suggérez quoi ?
– Vous ne pouvez pas rester ici, dans le bar, longtemps. Rien ne vous empêche de revenir, tous les jours si vous voulez, mais il faut que vous sortiez avant que je ferme le soir. Dès ce soir…
– Et je vais où ? Demandai-je, visiblement inquiet.
– Rien ne presse. Il est quatre heures et je ferme à minuit… Nous avons tout notre temps…
Les interrogations se bousculaient dans ma petite cervelle, qui luttait avec le reste de mon corps contre un début de nausée. Mon serveur et guide expliqua que ce malaise passerait après quelques jours. Revenir sur terre après une éternité dans l’au-delà provoquait souvent des effets physiques. Comme le mal de terre, semblable à celui des marins débarquant au port, que je ressentais, et qui s’atténuerait.
D’accord pour la nausée. Mais je me demandais bien où ces rencontres allaient me mener.
– Excepté vous, les trois premières personnes que j’ai rencontrées sont des célébrités. Il n’y a pas que ça, sur terre, non ?
Le guide m’a regardé, avant d’attirer mon regard vers le coin opposé de celui où j’étais apparu. Un jeune homme à l’air hébété fixait le vide devant lui.
– Allez voir ce type. C’est un quidam dont l’expérience de vie vous révélera beaucoup sur l’état de la jeunesse.
Obéissant, je me levai du tabouret et partis avec ma bière m’asseoir à côté du jeune homme.
Publié par Bernard Gilbert le 25 mars 2013
https://bernardgilbert.com/2013/03/25/barman-ou-guide/
Rencontres imaginaires avec des êtres réels 3
Après mon spasme télépathique chez le pape démissionnaire[1], j’ai calé ce qui restait de ma première bière. Désaltéré, j’ai laissé vagabonder mon regard alentour. L’endroit était presque désert. Cela était peut-être normal un mardi après-midi d’hiver. Tellement de choses m’étaient inconnues, méritaient que je m’informe, pour comprendre comment vivaient les gens de cette époque. Graduellement, je trouverais réponse à mes interrogations.
J’ai remarqué alors deux personnes qui venaient d’entrer. Ils ont pris place à quelques tables de la mienne. Une femme et un homme… Un humain normal n’aurait pu entendre leur conversation, volontairement tenue à voix basse. Mais je constatai que, même réincarné, j’avais conservé certains pouvoirs acquis dans l’éther.
Sans même que je l’aie commandée, une seconde bière s’est posée devant moi. Quand j’ai levé les yeux vers la serveuse, elle m’a gratifié d’un magnifique sourire en clin d’œil. Décidément, je ne m’étais pas réhumanisé ici par hasard.
J’ai bu une gorgée, durant laquelle mon attention est revenue vers le couple. C’est par pure curiosité que je me suis intéressé à leur propos. J’étais toujours en phase d’intégration. Afin de ne pas me faire remarquer pour de mauvaises raisons, j’avais intérêt à mieux connaître la société où je venais d’apparaître. Mieux valait rester sur le mode de l’écoute. Cela dit, j’ai vite compris que l’échange dont j’allais être témoin sortait de l’ordinaire.
Après qu’ils eurent été servis, la dame a lancé la conversation.
– Merci d’avoir accepté mon invitation, a-t-elle dit, faussement reconnaissante.
– Avais-je le choix ? A répondu l’homme sur un ton sec.
– Pas vraiment…
– Vous êtes mieux informée que je l’aurais cru.
– Merci…
– Cela dit, je ne comprends pas où vous voulez en venir. Pourquoi insister pour me voir, incognito, en me menaçant d’un sordide chantage. Vous savez, j’ai aussi des informations compromettantes sur vous.
– Je n’ai pas peur. Vous m’avez déjà fait assez de tort sur la place publique. Que pourriez-vous faire de pire ?
– En me faisant venir ici de force, qu’est-ce que vous vous imaginez obtenir ? Désolé, mais je ne crois pas que le chantage soit la meilleure façon de faire avancer votre cause.
– Mais le fait est que vous êtes là, en personne, assis à mes côtés.
– Là n’est pas la question.
– Voulez-vous revoir la liste des milliers de gens que votre entourage fait chanter ? Je n’ai fait qu’utiliser vos méthodes. Pourquoi se gêner quand l’exemple vient de si haut ?
Silence inconfortable du type, qui cache sa nervosité en entamant sa bière. La femme est calme, sûre d’elle, ce qui a pour effet d’énerver davantage son vis-à-vis. Elle entend jouer cette carte à fond.
– Votre déguisement est assez réussi. C’est fou comment une perruque et un vieux complet élimé changent l’allure d’un homme.
– Assez… Venons-en au fait. Pourquoi cette mascarade ?
– Du calme. Nous ne sommes pas pressés.
La dame prend le temps de sortir la pochette de menthe infusée de la petite théière. Elle boit lentement quelques gorgées. Face à elle, l’homme est nettement déstabilisé par la situation. Lui qui est habitué à tout contrôler, à obtenir tout ce qu’il veut; il se trouve aujourd’hui dans la position inverse. Cela l’horripile mais, en même temps, il ne sait comment agir pour retourner la situation à son avantage.
Devinant comment il se sent, elle lève la tête, le regarde droit dans les yeux et laisse éclore son sourire. Elle est consciente de blesser son interlocuteur, de l’enfoncer davantage dans son malaise. Elle savoure l’instant, prolonge regard et sourire jusqu’à ce qu’il rougisse. Pour une rare fois, dans sa vie, elle se sait volontairement méchante. Sauf dans des cas extrêmes, elle a toujours détesté manier l’arme psychologique. Il s’agit, indéniablement, d’un cas extrême.
Après un temps, elle reprend, grave, sur le ton que l’on réserve aux vérités profondes.
– Ma cause, comme vous dites… sans réussir à masquer votre dédain pour ce genre de lutte… c’est le sauvetage de mon peuple et de tant d’autres peuples que les blancs ont tout fait pour exterminer, sur le continent, depuis plus de 500 ans. Ma cause… À vous entendre, on dirait le lobby d’un vendeur d’assurance. Vous êtes pas gêné… On pourrait croire que mon jeûne est un échec, puisque je n’ai pas obtenu la rencontre tant espérée avec vous et le représentant de la reine. Mais, nous l’oubliez pas, nous avons réussi à porter l’attention de tous sur notre sort immonde. Mes frères et sœurs se réunissent, manifestent, se soulèvent… Ce n’est qu’un début. Vous avez tellement à vous faire pardonner…
L’émotion la gagne, ce qu’elle cache en prenant une gorgée de son thé. Son interlocuteur n’ose pas intervenir.
– Après nous avoir traité comme des animaux, après nous avoir saoulés, asservis, contaminés, aculturés, vous nous avez parqués dans de minuscules réserves. L’église catholique s’est occupée de miner notre spiritualité, qui faisait parfaitement notre affaire depuis des milliers d’années. Depuis, vous ravagez le continent… Nos jeunes sont malades, nos hommes aussi, et des centaines de mes sœurs sont harcelés, violées, assassinées en toute impunité. Plusieurs communautés n’ont pas même l’eau potable. Question de vous sentir moins coupable, vous nous inondez d’argent. Mais nous avons du mal à gérer ces biens. Trop de communautés n’ont pas accès à la formation qui permettraient de nous en sortir. Alors, nous faisons des erreurs. Et vos fonctionnaires nous tapent sur les doigts, pour nous punir, comme les missionnaires faisaient il y a un siècle. Le travail à accomplir pour réellement améliorer la situation est monstrueux… Il faudrait mettre en place une approche complètement nouvelle, ouverte. Mettre du temps, de l’énergie… Mais, dans votre stratégie, nous ne sommes qu’une infime denrée électorale. Et dans votre propagande, nous sommes seulement bon, à l’occasion, pour rehausser votre image de marque…
Silence, avant qu’elle poursuive.
– Vous n’avez pas honte ?
Il n’ose pas ouvrir la bouche.
– Pendant six semaines, j’ai ingéré seulement de la soupe de poisson et des tisanes. Il vous a fallu plus de trois semaines avant de vous intéresser à moi, avant de daigner organiser une rencontre avec les collègues. Votre réaction est venue trop tard. Vous nous avez fait trop attendre…
Elle le regarde, émue. Elle terminera la prochaine phrase sur le bord des larmes.
– Vos ancêtres, comme vous, ne méritez pas ce continent… De la Terre de Baffin à la Terre de feu, vous avez usurpé la terre. Depuis, vous la découpez, la vendez, la saccagez. Mais rappelez-vous ceci : elle ne vous appartient pas, ne vous appartiendra jamais. Un jour, les blancs paieront pour ce massacre. À commencer par vous, Monsieur Harper… La terre se vengera.
Le premier ministre du Canada, méconnaissable pour les autres clients et le personnel, boit sa bière nerveusement, à petites gorgées.
– Vous voudriez que je fasse quoi ?
Elle hésite avant de répondre.
– Êtes-vous prêts à convoquer une assemblée spéciale, formée de représentants de toutes les premières nations, des provinces et territoires, de votre gouvernement, sous observation d’une délégation internationale de l’ONU, qui s’attaquerait à une révision et mise à jour de tous les traités, à une refonte totale de la loi sur les Indiens, au partage équitable du territoire, des ressources et des processus de décision, à l’intégration constitutionnelle des autochtones à la Chambre des communes, au Sénat, dans les parlements des provinces et des territoires, dans le but de régler enfin le contentieux qui désavantage les Premières Nations depuis la Nouvelle-France ?
– Pardon ? J’ai bien entendu ?
– Oui.
Piqué au vif par l’ampleur de la demande, le PM a retrouvé un peu de sa superbe.
– Vous êtes folle ou quoi… C’est énorme, ce que vous demandez là. Je n’ai pas la légitimité pour lancer un tel chantier. Je n’ai pas été élu pour ça.
– Votre réponse est tellement prévisible. Quelle petitesse… Pourtant… C’est désagréable de brandir une telle arme, mais avec la liste que j’ai…
– C’est tout le pays que vous voulez foutre en l’air.
– Pourquoi pas ? Combien de nations ont subi un tel sort ?
Elle boit la dernière gorgée de sa tisane.
– Pensez-y bien. Je vous donne une semaine pour me répondre.
Theresa Spence regarde une dernière fois le premier ministre, se lève et, d’un pas solennel, va vers la porte. Elle quitte le bar sans dire plus ni regarder une seconde le politicien, qui reste immobile, abasourdi. Il n’a probablement pas compris le message. C’est au-delà de ses forces émotionnelles et intellectuelles de comprendre ce niveau d’humanité. Mais il est ébranlé, cela se voit. Il finit sa bière rapidement, paie, et quitte à son tour, s’engouffrant dans la limo noire garée devant la porte.
Je vous ai dit, plus haut, comment cette rencontre sortait de l’ordinaire.
Stephen Harper se rappellera toute sa vie de sa rencontre improbable et incognito avec Theresa Spence, chef autochtone rendue célèbre par son jeûne de la fin 2012 et du début 2013. Le conservateur en chef n’aura pas, toutefois, comme le pape Ratzinger à la même époque, la décence de démissionner. Lui qui se disait si bon chrétien aurait dû suivre l’exemple de sa sainteté. S’il avait su que les Premières Nations allaient poursuivre le mouvement Plus jamais neutre, que la question autochtone, avec d’autres dossiers, évoluerait sur la place publique jusqu’à faire tomber son gouvernement, quelques années plus tard, peut-être aurait-il agi autrement. Dans le meilleur scénario, pour la plupart de ses concitoyens, surtout au Québec (ils ne semblent pas l’aimer beaucoup, par là), il aurait bien pu disparaître pour toujours, en sortant du bar, perruque et complet élimé inclus.
[1] Voir Rencontres imaginaires 2. Pensée inavouable.
Publié par Bernard Gilbert le 28 février 2013
https://bernardgilbert.com/2013/02/28/rencontres-imaginaires-3-drole-de-couple/
Après moult réflexion, je suis réapparu sur terre dans un bar, lieu idéal où me réincarner dans l’anonymat. Dans un coin obscur, adossé au mur à une petite table ronde, j’ai graduellement pris conscience. Ni le barman, ni les quelques clients ne semblaient avoir remarqué mon apparition. Ou ils faisaient semblant de ne pas avoir remarqué, car j’avais l’impression de les voir sourire dans leur barbe. C’était étrange. Très… Surtout avec le bock de bière fraîche qui attendait à portée de main.
J’ai siroté ma première bière depuis des siècles. Un grand bonheur…
Après un temps passé à me familiariser avec mon nouvel état de conscience – plein de sensations diffuses que je reconnaissais vaguement – j’ai remarqué un grand rectangle, comme suspendu dans le vide au-dessus du comptoir, sans comprendre de quoi il s’agissait. C’était comme un dessin, avec des personnages plein de couleurs, mais en mouvement. Je n’avais jamais vu telle chose. Pour faire court, j’allais savoir bientôt qu’il s’agissait de l’écran géant suspendu au dessus du zinc, où on présentait les nouvelles du jour.
En gros plan, la tête d’un homme.
Précautionneux, incertain de comment sonnerait ma voix si je m’adressais à quelqu’un, je n’osais demander à personne qui il s’agissait. Partant de son image, j’ai fermé les yeux en me demandant si mon pouvoir télépathique était toujours actif.
Il l’était.
Dans une sorte de vapeur qui se dissipait lentement, j’ai reconnu le même homme qu’à l’écran. Il était seul et nu, assis, enveloppé à la taille d’une grande serviette. Il suait, avait chaud, très chaud. Étions-nous dans un bain public ? C’était difficile à dire, pour moi, car je n’avais encore jamais vu de salle de bain privée. Le lieu était assez petit. Très orné. Autour du type, il y avait des tentures de couleur rouge, lourdes, sombres. Un grand bain. Une vanité de marbre. Sur un des murs, un grand miroir où se réfléchissait le baigneur. La lumière tamisée émanait de cierges placés aux bons endroits pour créer un effet dramatique.
J’ai constaté tout de suite que l’homme était préoccupé. Il réfléchissait. Un peu comme moi avant de frapper le mur de l’ennui[1]. Cheveux gris et courts, visage rond, ridé, il avait l’air très vieux. Il était assis sur une banquette de bois, d’allure artisanale, qui jurait avec le luxe du mobilier. Ses épaules et son torse étaient voûtés vers l’avant. Il avait la peau rougie, parsemée de poils blancs. Son ventre, affalé sur ses cuisses, était flasque de peau vieille.
Manifestement, l’homme se souciait peu de son maintien. Tout replié sur lui-même, il n’aurait jamais deviné qu’il était observé. Je me suis vite rendu compte qu’il était au prise avec un dilemme profond, comme en lutte avec une vision, une pensée qu’il réprouvait, qu’il voulait rejeter, mais dont il ne réussissait pas à se défaire. Il ne croyait pas en arriver là, mais il semble bien que sa position devenait inéluctable. Lui qui, n’ayant plus rien à prouver, se préparerait dorénavant à mourir, approchant de cette ultime échéance, il constatait la vanité de sa vie. Grosse comme une pierre approchant à toute vitesse de son œil, il voyait l’erreur fondamentale dans laquelle il s’était fourvoyé tant d’années.
La foi chrétienne était une chimère… Malgré toute sa sagesse, sa science, sa volonté. Malgré la puissance de l’Église, du Vatican, de tous les saints du ciel : Dieu n’existait pas. La science avait raison, faisait foi de tout. Il n’y avait de vrai que la matière. Après son dernier souffle, hormi la mémoire de l’humanité, sa vanité se dissiperait entièrement dans l’éternité. Niet le ciel, les anges, Saint-Pierre, le paradis… Niet la résurection, la rédemption des âmes et toutes ces foutaises.
Ce sentiment l’avait envahi graduellement, depuis quelques années. Il en était maintenant convaincu.
Sublime ironie !
Lorsque ma conscience a réintégré le bar, quand j’ai revu l’écran de télévision, le visage du baigneur noyé dans le doute était toujours là. Dans le bas de l’image, on pouvait lire ceci : « Le pape Benoit XVI a annoncé aujourd’hui qu’il allait démissionner. »
[1] Voir Rencontres imaginaires 1. L’esprit errant.
Publié par Bernard Gilbert le 20 février 2013
https://bernardgilbert.com/2013/02/20/pensee-inavouable/
Après avoir consacré un temps incalculable à la méditation, je m’étais tranquillement mué en un insoluble chaos de questions. J’ai mis du temps à m’en rendre compte, mais je m’étais perdu dans une sorte de mælstrom, brouillard tourmenté d’idées vaines. Tant que j’ai cru avancer dans ma quête, réfléchir sur la nature fondamentale de l’existence m’a procuré une immense satisfaction. Dès lors que cette activité s’est butée à un cul-de-sac, mon univers ne tenait plus. La conclusion s’imposait : il était temps de passer à autre chose. Fallait que je sorte de mon cocon, de mon antre, de mon refuge.
Pour paraphraser un intellectuel habile au cinéma, forme d’art que j’ai découverte sur le tard, le confort mène à l’indifférence, qui elle même se mue – quand plus rien ne parvient à éveiller, ou même à soutenir, notre intérêt – en un incommensurable ennui… Ce type habite votre contrée terrienne, au nord, entre les atlantes et le pacife, où votre petit peuple rue comme il peut pour se tailler une place dans le concert des nations. Contrée terrienne, peuple, nation… Je sais, voilà autant de concepts difficiles à saisir, du moins là où j’ai établi résidence. L’esprit vagabond ne s’intéresse guère à de tels notions. Mais bon… Si je veux « voir du pays », comme vous dites encore, faudra bien que je renoue avec ce système de pensée.
L’ennui, comme j’ai dit, était devenu total. Depuis des lunes… Et vous n’avez pas idée combien longtemps elles durent, nos lunes. En temps humain, chacune mesure sa petite éternité.
Quand ma décision a été prise, de nouvelles questions se sont ajoutées à la multitude. Au moins menaient-elles vers une issue. Le principal écueil auquel j’étais confronté : il n’est pas possible de simplement me poser là, au milieu d’une de vos voies publiques, ni de me matérialiser dans un salon de classe moyenne devant une famille écoutant le hockey. Votre peur de l’autre est atavique, profonde; la réaction en me découvrant serait probablement excessive. Mes observations préliminaires confirment d’ailleurs ce que théorisent en détail les encyclopédies : les terriens ne semblent pas très ouverts à l’inconnu. Je devais diminuer le risque, faire preuve de subtilité. Avant de me montrer, d’abord faire enquête, explorer, apprendre à vous connaître.
J’ai donc procédé lentement, à tâtons. Les humains sont si différents l’un de l’autre. Entre un dirigeant politique bedonnant d’avoir engraissé sa caisse occulte, une activiste pour la paix dopée d’idéal, un entrepreneur cupide, un héros sportif, une vedette populaire, un bébé naissant ou de jeunes adolescents; à qui allais-je m’adresser en premier ? Certains spécimens semblent particulièrement idiots, mais peut-être s’agit-il d’une façade, et, blottie derrière, une riche personnalité vaut la peine. D’autres font montre d’une intelligence supérieure, mais consacrent leur vie à d’abominables atrocités. Depuis mes derniers contacts avec l’humanité, il y a fort longtemps, j’ai découvert qu’une incroyable variété de spécimens avait proliféré. Magnifiques, dangereux, ordinaires, etc…
La petite théorie que j’ai échafaudée est à l’effet que si l’humanité, dans son ensemble, montre un certain équilibre, c’est au prix d’une variation infinie au sein de la population des individus. Le centre regroupe la vaste majorité des gens, pour la plupart de bonnes âmes, ouvertes et généreuses, bien que craintives et, surtout, pétries d’habitudes. Ce sont les extrêmes qui font peur. Et ces extrêmes se bousculent tout autour du centre. Il y a ceux qui cultivent la violence, le conflit, misant sur la force brute pour obtenir gain de cause. Ceux qui défendent bec et ongles leur clan, au détriment de tous les autres. « Vous êtes avec nous ou contre nous… ». Plusieurs pays sont dirigés par de tels bornés, apôtres de la propagande. À proximité, il y a ceux qui croient en cet espèce de principe unique, Dieu. Croire en lui permet toutes les licences… Comment est-il possible de prêter si grand pouvoir à une idée ! Car quiconque ouvre les yeux et scrute objectivement l’univers conclut inéluctablement que ce Dieu, qui mène par le bout du nez des milliards d’humains, n’existe tout simplement pas.
Croyez-moi, je suis bien placé pour le savoir.
En effet, lors de mon précédent passage sur terre, j’ai moi-même succombé au divin. Séduit par la foi, après quelques tentatives chrétiennes, j’ai embrassé le bouddhisme, qui, réincarnation après réincarnation, m’a mené patiemment vers le nirvana. Des siècles de travail… Et c’est là, dans cette supposée plénitude, après m’être fouillé le nombril pour appréhender le sens profond de l’existence, à la recherche de Dieu, que j’ai finalement trouvé l’ennui. L’ennui intégral… La pratique rigoureuse de Dieu m’a mené au vide.
Pourquoi donc retourner sur terre ? Une bonne bière fraîche… C’est dans un bar que je devrai réapparaître.
Publié par Bernard Gilbert le 13 février 2013
https://bernardgilbert.com/2013/02/13/lesprit-errant/
Méditant sur la vie et sur l’humanité, observant l’agitation extérieure, qu’elle soit politique, économique, sociale, virtuelle, je ne peux faire autrement que constater la vitesse à laquelle la civilisation humaine court vers sa perte. Quand je réfléchis sur l’humanité, peu importe le point de vue que j’adopte, cette même conclusion me saute généralement au visage. Bien sûr, il y a quelques sursauts d’optimismes. Le bonheur que j’éprouve dans ma vie familiale, avec mes proches, dans mon travail, garantit probablement ma santé mentale. Certaines actions collectives sont plus réussies que d’autres. Disons que les beaux côtés de la vie constituent autant de lueurs d’espoir. Mais que sont des lueurs face à l’incendie qui ravage l’humanité ? Comment ces faibles lumières peuvent-elles faire face à l’obscurantisme et la propagande, souvent religieux, qui orientent tant de gens, de nations, de pays, vers la violence et l’exploitation de l’autre ? Comment faire quand notre propre premier ministre – celui du Canada – pense de manière si diamétralement opposée que moi au bien commun et au futur de la planète ?
La raison principale pourquoi je n’ai pas écrit sur ce blogue, ces dernières semaines, est la réflexion que je mène non pas sur l’écriture, mais sur le sujet et l’objet de cette écriture. Écrire quoi ? Sur quoi ? Si mon projet est d’écrire sur l’actualité, de dénoncer les actions, gestes, comportements, décisions qui m’indignent, la source de ma vindicte et de mon indignation est pour ainsi dire infinie. Je pourrais, coup de gueule après coup de gueule, me vider le cœur des horreurs de la vie quotidienne. Pour aller où ? Surtout que je découvre tant d’autres blogueurs, journalistes, penseurs, écrivains qui dénoncent avec virulence sur la place publique.
Si vous me lisez régulièrement, depuis une année, vous avez une bonne idée de mes sujets de prédilection :
Mais que faire d’autre ? Comment le blogue peut-il amener mon écriture et ma pensée ailleurs, sur de nouvelles voies ? À quelque part, il est facile de dénoncer, de s’indigner. Cette arme est à portée de main; je l’utilise. Serait-il plus utile de mettre de l’avant les initiatives positives que je vois, que je découvre, que je pressens ?
L’idée que je cuisine, depuis quelques jours, est la rédaction d’une sorte d’autofiction, conte philosophique dans lequel je mettrais en scène un personnage me ressemblant (j’imagine), sorte d’observateur critique de l’humanité actuelle, qui j’espère, par le biais de la fiction, ouvrirait peut-être, justement, de nouvelles voies. Chaque texte publié sur le blogue constituerait un chapitre de ce conte. Cela rejoindrait une idée que j’avais à l’origine de ce blogue, il y a un an, et que je n’ai pas encore exploitée : utiliser ce médium pour écrire de la fiction.
Comme référence et source d’inspiration, je pense à la pièce Le Songe, du suédois August Strindberg écrite en 1901. Dans ce drame symbolique, la déesse Indra descend sur terre pour observer la condition humaine. Quelle phrase répète-t-elle, comme une sorte de mantra : « Ah ! Que les hommes sont à plaindre… »
Un siècle plus tard, que découvrirait un tel visiteur ?
Je me donne quelques jours pour réfléchir à ce projet, pour évaluer s’il tient la route, et je vous reviens. On verra avec quoi…
Publié par Bernard Gilbert le 26 janvier 2013
https://bernardgilbert.com/2013/01/26/apres-une-annee-que-faire/
Theresa Spence, chef de la réserve d’Attawapiskat, située dans le nord de l’Ontario, a entrepris une grève de la faim. Elle veut rencontrer le premier ministre Harper pour discuter des effets négatifs de la plus récente loi mammouth du gouvernement conservateur sur les droits des nations autochtones. L’action de Mme Spence a déclenché le mouvement Idle no more, que je pourrais traduire par « Fini l’attente… » ou « Ça suffit ! ».
Une traduction plus juste de ce slogan pourrait ressembler à : « Nous en avons plein not’ cas’ d’attendre les bras croisés que le gouvernement du Canada respecte les traités que nous avons signés, en toute bonne foi, depuis que les Européens ont envahi le continent ».
Ou encore : « Comment se peut-il que nous attendions encore que le gouvernement canadien, que la population canadienne, fasse un geste significatif, convaincu, engageant, pour aider nos peuples à sortir de la misère chronique dans laquelle nous pataugeons, résultat de la colonisation, qui s’est traduite, ni plus ni moins, par leur domination sauvage… »
Sur le site de Radio-Canada, où j’aime bien lire les commentaires qui suivent les nouvelles, quelques concitoyens blancs ne trouvent rien de mieux à dire qu’à peu près ceci : « les Premières Nations reçoivent des millions du gouvernement, qu’ils fassent un effort », ou encore : « Les chefs se paient des salaires faramineux, ce qui est un scandale. » Rien sur les motifs de Mme Spence ou sur le mouvement que sa grève de la faim alimente. Ça me dépasse… Comme si les problèmes qui plombent les réserves et les autochtones du Canada se limitaient à cela. L’aveuglement volontaire comme voie d’évitement…
La question qu’aucun gouvernement, fédéral ou provincial, ne veut vraiment se poser est pourtant simple : comment pourrions-nous partager de manière effective, entre autochtones et blancs, l’usage du territoire que nous occupons en commun ? Comment partager son usufruit, ses ressources, le profit qu’elles génèrent ? Et pourquoi, selon vous, la question n’est pas posée ouvertement ? La réponse est simple : les blancs radins que nous sommes ne veulent surtout pas partager le gâteau. Peu importe que nous les ayons dépossédés du territoire, à coup de mensonges, de traités non respectés et de nettoyage ethnique; peu importe que nous ayons tout fait pour les assimiler, pour annihiler leur langue, leur culture; peu importe que nous ayons détruit leur mode de vie…
Entre vous et moi, qui ont été les sauvages, dans cette histoire ?
Pendant ce temps, notre bon sauvage en chef, Stephen Harper, ne trouve rien de mieux à faire que de laisser pourrir la situation. Ou peut-être qu’il attend de revenir de vacances pour daigner s’intéresser au dossier. Pourquoi se magnerait-il le cul pour une pauvre bonne femme, autochtone de surcroît, alors qu’il peut bouffer son pétrole en paix entre deux prières hypocrites ?
Publié par Bernard Gilbert le 28 décembre 2012
https://bernardgilbert.com/2012/12/28/je-nen-peux-plus-dattendre/
Le Robert définit ainsi le terme socialisme : Doctrine d’organisation sociale qui entend faire prévaloir l’intérêt, le bien général, sur les intérêts particuliers, au moyen d’une organisation concertée (opposé à libéralisme); organisation sociale qui tend aux mêmes buts, dans un souci de progrès social.
Vu de cette manière, je suis prêt à le hurler sur les toits : JE SUIS SOCIALISTE !
Évidemment, la réalité et le pragmatisme politique ne me simplifient pas la tâche. C’est la raison pour laquelle je précise que mon socialisme est surtout moral. Je suis un socialiste éthique, qui prétend que la qualité du comportement, fondé sur un juste équilibre entre la liberté de chacun et la responsabilité collective, axé sur la redistribution de la richesse, le bien général auquel réfère le Robert, devrait avoir préséance sur l’idéologie. En fait, si les individus dans le corps social, la collectivité, la nation embrassait une telle ligne de conduite morale, notre société serait en bien meilleure posture.
Premier obstacle : la propriété. Ça me semble évident, d’autant que je suis moi-même propriétaire d’un paquet de choses, à commencer par une maison avec piscine, une voiture, une batterie de cuisine, un sac de golf, des tas de livres, de disques et de dvd. Je me conforte en me convaincant, jour après jour, que ces possessions ne nuisent pas à l’autre, qu’il s’agisse de mon voisin, de mon compatriote ou d’un pauvre hère exploité sans vergogne par le grand capital dans un lointain pays.
En fait, je suis convaincu que ce premier obstacle n’est rien à côté du second : le libéralisme économique, qui fait de la propriété et du profit des vertus cardinales, au nom desquelles le bien commun ne vaut rien, ou si peu…
Le capitalisme, l’économie de marché, le libéralisme sont dirigés de main de maître par de grandes familles cachées derrière les corporations transnationales, ce 1% dénoncé par le mouvement Occupons. Au fil du temps, la combine se raffine depuis plus de cinq millénaires, ces happy few se sont arrogé le pouvoir, et les millions qui viennent avec. Ce sont des bandits absolus comparés à l’État, que l’on accuse pourtant de tous les maux. Le pire est qu’ils contrôlent l’État, qui protège leurs combines, au point de payer quand elles tournent mal. Le sauvetages des banques et autres depuis 2008 est le pire scandale en cette matière, avec son rejeton : la faillite des pays d’Europe…
J’admets volontiers que la conduite de l’État mène à des dérives, mises en lumière de manière spectaculaire en ce moment par la Commission Charbonneau. J’admets aussi que la bureaucratie est souvent trop lourde, que plusieurs fonctionnaires sont démotivés, peu intéressés, assis sur leur steak. Cela dit, j’ai aussi la conviction profonde que l’État demeure la meilleure façon de gérer la collectivité et de redistribuer la richesse.
Les tenants du libéralisme font des gorges chaudes sur l’incapacité et l’inefficacité des gouvernements. Ils veulent moins de règles, moins d’État, plus de jungle. Puisqu’ils possèdent la majorité des médias et que leurs laquais dirigent la plupart des gouvernements, leur message est devenue vérité pour plusieurs. Comme si l’État avait le monopole des comportements douteux.
Fraude et détournement de fonds; dégradation de l’environnement; exploitation des peuples du tiers-monde; crimes à cravate; rémunération démesurée; discrimination sexuelle, raciale et linguistique; la liste des comportements répréhensibles des grandes entreprises et de leurs dirigeants est sûrement aussi longue que celle des mauvais comportements issus de l’appareil d’État. Plus longue, je gagerais… Car les comportements des possédants ne sont pas souvent scrutés à la loupe de la justice.
Pour ma part, je préférerais évidemment vivre dans un monde juste, où l’éthique et l’équité, définies de manière objective, dirigeraient les comportements; un monde où la liberté de chacun serait conjuguée avec la liberté de tous; où la redistribution de la richesse serait effective. Comme se définit le socialisme. Disons qu’il s’agit encore d’une utopie.
En attendant, je privilégierai toujours la gestion par État plutôt que par des actionnaires. Et aux excès des transnationales et autres obsédés du profit, j’oppose avec vigueur le pouvoir social, qui n’a pas trouvé mieux, pour le moment, pour s’exercer, que le parlement, le gouvernement et les institutions étatiques. Je sais, cela veut dire que des Harper et autres idéologues du mensonge peuvent arriver jusqu’au pouvoir. Au moins, nous pouvons leur montrer la sortie aux prochaines élections. Et dépêchons-nous de le faire, avant que notre Stephen royal se prenne vraiment pour le roi et ne transforme en dictature le système politique canadien.
En bref, le socialisme est pour moi la voie la meilleure vers un monde équitable, une société durable et, je le crois aussi, plus riche. Car la richesse n’est pas que l’argent, alors que le capital, si.
Reste à dompter l’humanité…
Publié par Bernard Gilbert le 26 novembre 2012
https://bernardgilbert.com/2012/11/26/pourquoi-je-suis-socialiste/
Il y a quelques années, nous avons découvert le romancier britannique David Mitchell. Depuis, nous avons dévoré la plupart de ses romans un après l’autre : Cloud Atlas, Ghostwritten, Number9dream, The Thousand Autumns of Jacob de Zoet. Les titres sont ici en anglais, langue dans laquelle je les ai lus, mais ces quatre livres ont été traduits en français.
À la mi-novembre, Etienne, Esther et moi avons vu le long métrage tiré de La Cartographie des nuages. Ce grand moment de cinéma m’a rappelé comment ce roman est extraordinaire. Et comment la littérature a cette capacité de nous amener ailleurs, non seulement pour le plaisir de la lecture mais aussi, surtout, pour nous permettre de mieux comprendre, de mieux appréhender notre monde, de mieux vivre…
Le roman Cloud Atlas (paru en 2004), traduit en français sous le titre La Cartographie des nuages, juxtapose six récits. Dans un premier temps, ces histoires se succèdent chronologiquement, du XIXe siècle jusqu’à un futur éloigné de plusieurs siècles de notre époque. Dans la seconde partie, miroir de la première, les six histoires se poursuivent en reculant dans le temps jusqu’au XIXe. La diversité de ces histoires est étonnante : journal des mésaventures d’un notaire contemporain de Darwin naviguant sur le Pacifique; lettres d’un jeune compositeur sur la route de son chef d’œuvre (le sextet Cloud Atlas); polar racontant comment une journaliste hippie américaine réussie à dénoncer les agissements criminels d’une multinationale de l’énergie; récit d’un éditeur britannique contemporain embourbé dans une succession d’événements rocambolesques; confession d’une clone devenue figure de proue d’un mouvement de libération futuriste; récit post apocalyptique d’un vieillard qui réussit à se soustraire aux ennemis de son peuple, avec l’aide d’une rescapée d’une société hyper développée.
L’ambitus de ces récits est incroyable. En fait, par les styles, par les niveaux de langage, nous pourrions croire qu’il s’agit de six livres différents. Mais Mitchell réussit à tous les lier, et il donne à cet univers éclaté une unité qui, à prime abord, semble impossible. Je ne décrirai pas ici comment, ce serait trop long. Un grand écrivain… Sûrement ma plus belle découverte des dernières années. J’espère vous donner le goût de lire David Mitchell.
Pour ce qui est du film, adapté par Lana et Andy Wachowski (La Matrice) avec Tom Tykwer (Cours, Lola, cours), il donne une nouvelle dimension au livre en faisant des six récits une courtepointe admirablement construite. En effet, le scénario ne suit pas l’ordre chronologique du roman. Il téléscope les six histoires, qui évoluent dans un désordre savamment orchestré. Conception de Kim Barret, il semble incontournable que les costumes et les maquillages soient en nomination pour un Oscar. La direction artistique est aussi impressionnante.
Esther, Etienne et moi avons été charmés par le traitement réservé au roman dans ce film.
Mais de quoi est-il question, finalement, dans le roman et dans le film ? Du sempiternel combat de David contre Goliath, de l’improbable victoire du faible sur le fort, de la persistance de la volonté et de l’idéal à travers les âges… Mais le tout est écrit avec grand art, forte sensibilité, témoignant d’une voix essentielle dans le paysage littéraire actuel.
La charge d’énergie que la littérature insuffle chez le lecteur, quand l’écriture se colletaille avec la langue et nous amène aux limites de la fiction, demeure une des plus belles expériences esthétiques et intellectuelles de ma vie.
À LIRE ET À VOIR !!!
Publié par Bernard Gilbert le 18 novembre 2012
https://bernardgilbert.com/2012/11/18/la-cartographie-des-nuages-un-grand-roman-devenu-un-beau-film/